Les thèmes travaillés couvrent une grande partie des problématiques à forte composante informationnelle de l’ingénierie pour la santé. La plupart du temps les sujets abordés concernent des thématiques sur lesquelles le laboratoire a déjà des compétences développées initialement dans d’autre domaines : électronique et capteurs, propagation électromagnétique, traitement du signal, traitement des l’images, représentation des connaissances, informatique, aide à la décision, interaction homme-machine, intelligence ambiante et économie de la vie numérique.
On peut de façon schématique distinguer quelques grands secteurs de recherche présentés succinctement dans la suite.
1.1.1 L’imagerie et l’analyse d’images
Cette thématique large est traitée aussi bien en Bretagne qu’à Paris et à Evry. Une équipe à Brest s’intéresse à l’imagerie multimodalité quantitative pour le diagnostic et la thérapie. Cette équipe contribue de manière significative au domaine de l’action thérapeutique et du diagnostic en oncologie et en radiothérapie guidée par l’imagerie TEP/TDM, notamment par le développement d’approches automatiques, robustes et fiables. Elle concentre ses recherches actuelles sur la prise en compte des mouvements respiratoires du patient (correction de mouvement via synchronisation externe et mise en correspondance des données anatomiques et fonctionnelles), la correction des effets de volume partiels (modélisation multi-résolution en ondelettes et déconvolution), et la définition automatique des volumes fonctionnels des tumeurs (segmentation par chaînes de Markov floues).
Elle a aussi développé une expertise dans la modélisation Monte Carlo pour la définition et la simulation des nouveaux imageurs ou de modèles anthropomorphiques et appuie ses travaux sur une plateforme technologique de simulation en imagerie et dosimétrie développé sur une grille de calcul intensif interrégionale entre Brest et Nantes dans le cadre du Cancéropôle Grand Ouest. Dans le même laboratoire, une autre équipe s’intéresse aussi à l’imagerie dynamique 4D dans le contexte de l’analyse de la locomotion par le biais de recherches sur l’analyse de mouvement et l’inférence forme-mouvement (fusion de données anatomiques IRM ou CT et cinématiques) qui reposent sur des modèles de formes originaux (Morphométrie géodésique). Des thèmes communs aux deux équipes concernent la fusion d’informations multimodales, multi-échelles.
Télécom ParisTech (TPT), de son côté, est depuis longtemps impliquée dans l’analyse des images médicales et dans le raisonnement spatial dans les images. Sur le deuxième volet, la théorie des ensembles flous est au centre des travaux, que ce soit pour la modélisation de relations spatiales (cf les résultats récents sur l’hyperconnectivité) et leur fusion ou la modélisation de l’information bipolaire. Ces modèles sont intégrés dans des méthodes de segmentation et de reconnaissance de structures normales et pathologiques. Le raisonnement spatial s’appuie sur des ontologies spatiales qui sont interfacées avec des ontologies médicales spécialisées sur le domaine applicatif visé, ce qui permet, après apprentissage sur des bases d’exemples, de guider la reconnaissance de structures dans les images et ainsi combler le gap sémantique en associant concepts symboliques et représentations numériques directement exploitables dans le domaine des images.
Le volet analyse d’images est aussi très actif et s’intéresse aux problèmes de la segmentation, de la reconnaissance et de l’analyse longitudinale, avec pour cibles applicatives, notamment, l’oncologie et les pathologies tumorales. Citons par exemple des méthodes originales de suivi de tumeurs à partir d’une normalisation des images IRM et de l’analyse statistique de cartes de différences, le suivi et la segmentation de structures vasculaires en imagerie CT, robustes à la présence de pathologies, ou encore la reconnaissance de structures normales et pathologiques du cerveau à partir de modèles structurels. L’imagerie biologique et l’imagerie multimodale de la rétine sont également des thèmes qui deviennent de plus en plus actifs.
Télécom SudParis (TSP) s’intéresse pour sa part à l’élaboration de méthodologies supports pour la conception d’outils d’aide au diagnostic quantitatifs personnalisés, l’étude longitudinale de pathologies, et la génération de modèles numériques anatomo-fonctionnels en imagerie médicale multi-modalités. Deux axes applicatifs majeurs sont explorés : l’imagerie pulmonaire et l’imagerie cardiaque, en s’appuyant sur un socle de compétences incluant morphologie mathématique, optimisation variationnelle et EDP, théorie des graphes, théorie de l’information, estimation statistique et modélisation 3D. En imagerie pulmonaire, les travaux concernent l’étude et la caractérisation morpho-fonctionnelle du système respiratoire en TDM volumique, via la segmentation et la quantification 3D de la lumière et paroi bronchique, avec extraction de marqueurs pathologiques pour l’asthme et les bronchopathies chroniques obstructives (BPCO). S’y ajoutent la détection des pathologies du parenchyme pulmonaire (nodules, emphysème, pneumopathies interstitielles diffuses) et la segmentation du réseau vasculaire pulmonaire en CT, et, plus récemment, l’étude de la perfusion pulmonaire chez l’enfant en angiographie IRM 3D multi-phase. En imagerie cardiaque, les développements fondamentaux concernent l’estimation et l’optimisation en grande dimension de mesures entropiques classiques et généralisées, débouchant sur des techniques génériques de recalage non rigide, segmentation et classification statistiques multi-attributs et multi-vues implantables sur GPU. Les applications médicales incluent la compensation des mouvements cardio-respiratoires et la segmentation spatio-temporelle du cœur en IRM de perfusion, l’estimation des déformations myocardiques en IRM de marquage, l’estimation des mouvements des valves et la segmentation 4D du cœur en IRM ciné. Deux cadres cliniques sont notamment explorés : le diagnostic et le suivi de pathologies ischémiques en routine radiologique, et l’étude des phénomènes de rejet chez les jeunes enfants transplantés. Par ailleurs, on note une implication croissante en bio-imagerie, via des travaux sur l’analyse de données biologiques issues de systèmes d’imagerie par bio-puces en technologie microfluidique ou lab-on-a-chip, stimulés par un riche contexte collaboratif avec le Génopole et le Généthon d’Evry.
En commun, fort partenariat autour de projets innovants avec les industriels majeurs du domaine (Siemens, GE, Philips) et des entreprises incontournables (Air Liquide, GSK).
1.1.2 L’action thérapeutique guidée par l’image et l’information
Ce sujet est traité principalement à Brest. L’équipe « Thérapies interventionnelles » s’intéresse à l’étude et l’analyse conjointe de la forme et de la fonction de mouvement dans l’objectif de mieux comprendre les désordres du système ostéo-articulaire et de proposer des solutions à des problèmes cliniques concrets. Deux domaines principaux sont explorés, celui de la chirurgie orthopédique et celui de la rééducation fonctionnelle. Les thèmes de recherche concernent la modélisation géométrique des formes, la représentation conjointe forme-fonction, l’analyse de mouvement et l’inférence forme-mouvement. Ces directions convergent vers le développement de technologies innovantes de chirurgie naviguée et l’optimisation du geste chirurgical en chirurgie mini-invasive ainsi que l’optimisation morphologique et fonctionnelle de l’implant.
L’autre équipe brestoise se penche sur le guidage de la radiothérapie externe par l’imagerie 4D en oncologie pulmonaire, sujet aussi abordé à Paris via la segmentation des images CT et PET.
1.1.3 Les systèmes d’information de santé
C’est l’École de Bretagne qui est porteuse de ce thème qui recouvre plusieurs volets. D’une part les méthodes d’urbanisation des systèmes d’information sont étudiées dans le contexte de l’aide à la gestion de grandes cohortes pour les études épidémiologiques, des modèles d’un entrepôt de données hospitalières sont développés pour l’étude de la résistance aux antibiotiques, tout comme l’aide à la décision cognitive ou multicritère en vue de l’aide au diagnostic.
Un autre volet concerne l’indexation et la recherche par le contenu en imagerie médicale, la structuration et l’indexation des données médicales ainsi que le contrôle d’intégrité et la traçabilité des images médicales. Le contexte médical porte notamment sur l’étude des rétinopathies diabétiques, les bases de données de mammographies et les travaux sont intégrés dans une plate-forme de traitement collaboratif de l’information médicale.
1.1.4 Les technologies pour l’assistance à la personne
Ce thème est étudié essentiellement en Bretagne et à Evry. Ce dernier site se focalise sur la télévigilance médicale (développement de capteurs actimétriques et vitaux embarqués sur le patient ainsi que des méthodes de traitement et de fusion des signaux associés), sur l’intelligence ambiante (intergiciels sensibles au contexte, détection de situation) et les interactions homme-machine pour l’assistance cognitive. De son côté, Télécom Bretagne (TB) s’intéresse aux systèmes innovants pour les personnes dépendantes que ce soit sur le volet des services interactifs pour renforcer le lien social (développement d’une plate-forme générique s’appuyant sur le téléviseur TNT, une télécommande simplifiée, une set top box et des serveurs centralisés déployables et reconfigurables dynamiquement) ou sur celui de la palliation de la communication interpersonnelle orale et écrite pour les personnes privées des fonctions de communication ordinaires.
1.1.5 Les interactions ondes — tissus biologiques
Cette thématique concerne les deux écoles de Bretagne et de Paris. Le volet physique (TB) s’attache à développer des outils, des modèles et des méthodes pour l’évaluation de l’exposition ondes—personnes—environnement et la dosimétrie numérique et expérimentale associée. L’étude d’une caméra électromagnétique pour la caractérisation du niveau d’exposition des personnes est un exemple très concret d’outils en cours de développement dans ce cadre. Deux autres sujets sont en cours d’étude qui concernent les réseaux communicants sur la personne (BAN Body Area Networks), avec en particulier l’influence du corps humain sur la communication entre capteurs et le développement de tuner d’antennes et les BCI (Brain Computer Interfaces) pour des applications grand public.
De manière complémentaire, Paris s’intéresse à la production de modèles numériques de personnes, d’enfants et de fœtus à partir d’images médicales, essentiellement échographie et IRM. Le caractère non standard des conditions d’imagerie (personnes non pathologiques, imagerie du couple mère – enfant in utero) en font la difficulté et l’originalité. Ces modèles sont à la base de simulation de dosimétrie pour évaluer les taux d’absorption spécifiques du fœtus selon son âge, sa morphologie et sa position. Toujours dans le cadre des études des interactions entre ondes et corps humain, un nouveau projet sur les interfaces cerveau-machine a démarré.
Ces recherches sont menées dans le cadre du laboratoire WHIST commun avec Orange Labs.
1.1.6 Usages et économie de la e-santé
Trois écoles (TB, TEM et TPT) développent des recherches sur ce thème lié aux enjeux sociétaux et économiques de l’ingénierie pour la santé. TB s’intéresse plus particulièrement à l’évaluation médico-économique de la télésanté et à l’évaluation des usages des TIC pour la santé et l’autonomie, ce qui permet de proposer des modèles économiques des produits et services dans ce secteur et des modèles d’aide à la décision de déploiement de projets de télémédecine ainsi que d’étudier les modifications de la relation médecin-patient en e-santé.
Pour TEM, la santé constitue un champ privilégie des innovations techniques développées actuellement. L’équipe UCOTIC, pour comprendre les possibilités d’appropriation et de construction d’usages de ces innovations, étudie comment ces innovations accompagnent, amplifient ou s’opposent aux transformations socio économiques à l’œuvre : apparition de nouveaux acteurs privés et recomposition des rapports entre acteurs de la santé, recherche d’autonomie des malades, mobilisation des associations de malades et de familles, modification des normes de santé…. Est étudiée par ailleurs la façon dont le rapport à l’espace, à autrui et à sa propre action est modifié lorsqu’il est médié par une technologie.
Enfin TPT se consacre aux usages, à l’innovation et aux modèles économiques de la santé numérique.
Ces recherches en sciences sociales sont la plupart du temps menées en collaboration avec des équipes scientifiques.
1.1.7 Environnements immersifs 3D & Santé (thème émergent)
La question des interactions entre Environnements virtuels 3D et Santé constitue un nouveau champ de recherche qui s’offre à nous. Il est abordé sous le double aspect :
– de l’étude de l’impact de ces technologies sur la santé, ce qui nécessite à la fois d’étudier leur acceptabilité et l’inconfort qu’elles peuvent provoquer, et, à plus long terme, de mieux comprendre les mécanismes neuro-ophtalmologiques mis en jeu en les analysant par les techniques d’observations de l’imagerie fonctionnelle ;
– de l’apport de ces technologies à des questions de santé, comme par exemple le dépistage des troubles de la vision stéréoscopique par des mires orthoptiques innovantes. Les premiers résultats présentés à la conférence annuelle de la Société Française d’Ophtalmologie au printemps 2011 ont suscité des réactions très positives et ont déjà conduit à l’essaimage de la société Orthoptica.
Ces travaux sont menés à Brest entre le LaTIM Unité mixte Inserm et les départements Optique et LUSSI, dans le cadre du GIS 3D Fovéa qui réunit l’Université, le CHU et le Groupe Ouest, fabricant de contenus 3D, et Télécom Bretagne qui en assure la direction.